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Il y a de ça quelques années, j’ai fait un rêve des plus étranges. Il commençait avec nous deux, dans une MJC qui ressemblait à s’y méprendre à celle de mon enfance.

Je te parlais de mes écrits, et tu me parlais de l’arbre qui t’avait vu grandir, celui que ton père avait coupé à l’époque où nous faisions nos études ensemble.

Dans ce rêve, on était juste la meilleure version de nous-mêmes et de notre relation. Je me souviens que Jo est venu nous chercher pour partir, et combien on traînait la patte, contents d’être ensemble. Mais on a fini par se résigner et se retrouver sur le départ — moi grimpant à l’arrière d’une voiture, et toi dehors, me parlant à travers la vitre.

Je voyais des larmes couler sur ton visage, mais surtout, tu avais changé d’apparence. Ton regard, habituellement si chaleureux, s’était refroidi. Tu portais une capuche, et une mèche de tes cheveux dépassait...

Parce que tu t’y intéressais mieux que personne, tu connaissais mes légendes nocturnes et ce personnage féminin qui me guide autant qu’elle me hante depuis l’adolescence. Dans cette scène, c’était bel et bien toi, ayant simplement pris les moindres particularités physiques de mon inconnue.

D’abord interloqué par le morphing soudain entre ma princesse et mon inconnue, j’ai fini par réagir : j’ai ouvert la fenêtre et sorti la tête pour te parler. Je n’ai pas pu dire un mot. Dans ce rêve, tu m’as embrassé de la manière la plus fougueuse qu’on ne m’ait jamais embrassé...

Je me suis réveillé à ce moment-là.

Qu’on soit bien d’accord tous les deux — et que mes écrits m’en soient témoins — nous avons fait preuve d’ambiguïté un nombre incalculable de fois, sans jamais avoir franchi la moindre limite, alors qu’on s’est retrouvés en mesure de le faire plus d’une fois.

Notre relation n’a jamais été de nature physique ou sentimentale, et cette scène, banalement rêvée, raconte un tout autre récit que celui qu’elle paraît montrer — un récit qui, à mes yeux, a cent fois plus de valeur.

Il était une fois un homme qui, du haut de son hypersensibilité qu’il appelait empathie, avait découvert lors d’un rêve, pendant son adolescence, que toute sa vie — et peu importe ce qu’il ferait — il se sentirait en marge.

Il était une fois un homme qui, une fois ce constat établi, comprit plus tard qu’il avait la capacité de ressentir les gens de l’intérieur, et de nouer avec eux un lien singulier de vécu, offrant aux deux une expérience autant hors du commun qu’hors du temps.

J’ai toujours surnommé le personnage de mes rêves « l’inconnue », mais je connais son prénom : elle s’appelle Mélaine. Et le moins que je puisse dire concernant nos relations passées, c’est que tu es la plus « Mél » de toutes mes copines.

En faisant ce rêve te mettant en scène, j’ai compris définitivement que Mélaine n’existe pas — qu’elle est un subtil mélange.

Qu’elle a l’apparence physique de Gladiss, l’histoire de Cindy, la froideur d’Anaïs, le charme de Mylène, ton excentricité et ton sourire...

Ça ne peut que faire d’elle, à mes yeux, la personne la plus précieuse que ce monde ait jamais portée.

Pour autant, elle ne définit aucune d’entre vous, ni le rapport qui va avec.

« Chouchou, c’est qui Cindy ? », me dirais-tu…

Tu te souviens du jour où, à 20 ans, j’ai réalisé que j’étais amoureux ?

Je n’ai pas su avoir d’autre réaction que de pleurer toutes les larmes de mon corps...

Ça m’est arrivé à nouveau, il y a fort longtemps.

Je l’ai mieux vécu, mais ça ne s’est pas mieux passé pour autant.