Dans ma course folle, je me suis rendu compte, en confrontant la somme de mes trois épisodes de vie londonienne au moral acquis lors du grand chambardement et de ma marche aux étoiles, que mon parcours est étrange.
Au final, si j’use de toutes ces images pour en parler, c’est parce qu’elles seules peuvent illustrer à la fois l’influence d’un entourage sur une vie et, rationnellement, les interactions de mon karma dans son cheminement.
Le cœur de glace, c’est l’autre, c’est Melo. Moi j’aime trop les gens pour ça. C’est celui qui m’amène à écrire ces mots, c’est celui qui souffre à force de prendre des coups dans la gueule pour nous deux, c’est celui qui me regarde et prend de la hauteur quand il s’agit de me sortir de mon désert indigo.
C’est cette part de personnalité que j’assume — malgré sa dureté, sa froideur, son côté parfois sans pitié et parfois kamikaze — totalement à l’antipode de ce que je suis en profondeur, mais en accord avec ce que la vie m’a fait devenir, comme s’il avait un coup d’avance sur notre devenir.
Il y a trois ans, après Londres V3 avec Chiki, j’avais compris ce que serait la ligne d’arrivée de mon odyssée : ce que seraient ses adages, ce que j’avais à y gagner, ce que j’avais à y perdre, et au nom de quoi je me sentirais humainement prêt au-delà de leurs frontières (les choses extérieures qui nous influent et que l’on ne maîtrise pas) et de mes barricades (la somme de ce qui me guide).
J’avais compris que ma fixette sur la façade de l’école était liée au fait qu’elle représentait ma vision de mon rapport aux autres — un condensé de mes croyances personnelles — autant que la représentation de mes interactions quotidiennes avec les autres, au travers des sillons qui représentent des orbites…
J’avais tout pour en finir avec l’odyssée grâce à cette représentation qui m’expliquait que, au fond, la vie c’est notre propre chemin mais aussi la somme des chemins que l’on croise, et que la fusion des deux donne le concept que j’ai baptisé la croisée des chemins.
Alors ? Si, il y a trois ans, les pièces du puzzle étaient déjà assemblées, qu’est-ce qui s’est encore passé ?
Melo m’a fait remarquer que, de tout là-haut, en mode cœur de glace, il avait vu encore un épisode de vie à venir, un épisode au-delà même de l’inconnu et donc de ce qui était prévu — ce qui a eu pour effet à la fois de me redonner espoir et de m’inquiéter, parce que je ne voyais absolument pas où il voulait en venir.
Dans un premier temps, il m’a posé une simple question qui me fait encore trembler sur mes fondations par sa perspicacité :
Tu as baptisé la fille de tes rêves « l’Inconnu », tu dis avoir marché à contresens au milieu de la foule avec elle tout en discutant du sens de la vie, tu dis qu’elle s’est incarnée dans la réalité, qu’elle s’appelle Gla — mais dans ton rêve ? Quel est son prénom ?
Dans mon rêve, elle s’appelait Mel…
Effectivement, la seule anicroche entre mes rêves et la réalité réside en un prénom qui a résonné tellement fort dans ma tête au lendemain du rêve — celui qui a nourri mon écrit « Frontières » — que je me souviens avoir demandé à mon réveil, à ma mère, si le prénom « Melaine » existait.
Face à cette réflexion, je ne savais pas quoi répondre, tant il n’y avait aucun doute sur le prénom, tout comme il n’y en avait aucun sur le fait que Gla et elle ne soient qu’une seule et même personne. Je me suis résolu à lui demander des explications.
Si la fille de tes rêves s’est incarnée pour n’être que l’ombre d’elle-même, c’est peut-être, au final, qu’elle n’était qu’une étape nécessaire pour entrevoir autre chose.
Vos expériences, ayant viré au cauchemar comme celles ayant amené une forme de compréhension mutuelle, étaient peut-être, elles aussi, une étape nécessaire pour entrevoir autre chose.
La fille de tes rêves n’a jamais été objet de tes désirs : juste la réponse à un besoin de compréhension réciproque. La fille de tes rêves est un guide, pas quelqu’un auprès de qui tu t’es vu engagé sentimentalement.
Toi qui ne crois pas en l’amour à cause de ce constat, peut-être devais-tu vivre un cauchemar inconnu avant de vivre l’étape suivante. Il y a peut-être, derrière Gla, autre chose qu’un échec personnel — peut-être plus qu’une chute de toutes tes croyances — il y a peut-être bien une autre fin possible à l’odyssée que celle qui, à l’instant T, semble gravée dans le marbre.
Face à sa réflexion, j’étais pensif et je me demandais ce que je pouvais bien attendre de cette chienne de vie au-delà de la femme de mes rêves. J’avoue que mon imagination avait du mal à entrevoir le concept, parce que non : je ne faisais que renforcer ma conviction de l’inutilité et du minimalisme des sentiments amoureux.
C’est alors que, pour la deuxième fois, Melo se mit à disserter sur le comportement étrangement symbolique des éléphants, m’expliquant que, de tout là-haut, il les voyait faire et que si lui était un cœur de glace, « MOI, MICK », ma vie était à l’image de celle d’un pachyderme, autant que sa finalité en était identique.
Ça m’a fait penser au braconnier… Et puis je me suis dit que je devais me tromper de débat, parce que même si je suis sur la défensive de manière permanente depuis des années, je n’ai pas de défenses en ivoire, jusqu’à preuve du contraire.