Sous-articles
- Marche Chapitre 1 Chiki s wedding s Sky
- Marche Chapitre 2 La Dame Blanche
- Marche Chapitre 3 Mes Petits Soleils
- Marche Chapitre 4 Pulsar Do Hyde
- Marche Chapitre 5 Les Orbites Croisées
Dans ma tête, après l’épisode de Londres, j’ai eu du mal à m’en remettre. Comme tout le monde, il m’arrive de sombrer, mais à la différence de beaucoup, je l’accepte : car dans les temps forts d’une vie réside fatalement une antithèse…
De plus en plus, je me comparais à un « cœur de glace ». Et en passionné d’astronomie que je suis, j’ai vite fait le parallèle entre moi et une comète.
Un débris glacé dont le seul but est de suivre son orbite. Et puis tant pis s’il y a des obstacles : j’étais prêt à une collision de plus.
Je repensais en boucle à toutes ces histoires avec mes sœurs, aux origines d’un mal viscéral capable de détruire une famille entière.
Je repensais aussi à cette nuit d’été où mon petit frère avait cessé d’être, pour faire ce qu’il sait le mieux : empêcher son petit monde de tourner en rond quand il estime qu’il déraille. Je me sentais à la fois fort et faible en pensant à Céline, car après tout… quelle est ma part de responsabilité dans sa disparition ?
Dans l’espace, les cœurs de glace que sont les comètes sont à la fois victimes du chaos et moteur de ce chaos… Le débat de l’œuf et de la poule, revisité.
Qui de la comète Shoemaker-Levy ou de Jupiter a le plus souffert lors de leur rencontre ?
Puis est arrivé le mariage de mon meilleur ami, mon Chikito. Je me souviens qu’à moitié ivre et stone, j’ai regardé le ciel en pleine Nuit des étoiles.
Malgré la fumée de la viande qui grillait, je les ai vus passer là-haut dans le ciel…
Les Perséides.
Dans mon ivresse et mon état d’esprit, je les ai imaginées comme une bande de frimeuses, à la limite du tapinage, et j’ai rigolé… Un mois et demi que ça ne m’était pas arrivé. Je me suis couché dans l’herbe et j’ai mangé encore un sandwich.
Chiki m’a rejoint, et à ce moment-là, c’était quasiment la première fois de la journée qu’on arrivait à se capter tous les deux. Il râlait : la viande trop cuite, Pierre qui lui pétait les couilles, et Paul qu’il n’avait pas le temps de voir.
Quand j’ai vu sa gueule, je suis resté stoïque et j’ai fini par lui montrer un bracelet en laine, vert-jaune-rouge, que les invités portaient en chœur en mémoire d’un de nos très proches amis disparus. Puis je lui ai montré les étoiles en lui disant :
« Lui, il est là. Quoi que tu fasses, il est avec toi et chacun d’entre nous. Mais enlève ton bracelet pour la nuit de noces, il n’apprécierait pas ce que tu te prépares à faire à sa sœur…
Même s’il aurait été ravi d’avoir trois neveux. »
Réponse de Chiki :
« Nuit de noces mes couilles sur ton front. Trop de stress, on dort dans la tente avec toi et Mymo. »
Mymo… Effectivement, elle était venue avec ses parents.
J’avoue que marier son meilleur ami en présence de la personne avec qui on a passé cinq ans, et de ses parents… ça a des aspects particuliers. Encore pire quand tu te retrouves à dormir dans une tente avec ton ex. Heureusement que j’ai un ami suffisamment déjanté pour venir se caler entre nous deux le jour de son mariage.
Ma mère n’a toujours pas compris le concept. Pourtant ce n’est pas compliqué.
Quand tu passes cinq années de ta vie avec une personne, son entourage devient aussi le tien, et fusionne quelque part avec le tien.
Je l’ai expliqué à ma mère un nombre incalculable de fois, mais rien à faire. Un jour, je lui ai dit : « Imagine que deux galaxies se percutent. Leurs étoiles vont se mélanger. À l’échelle d’une vie, c’est pareil. » Mais ça ne lui a jamais parlé.
Pour revenir à cette nuit-là : à un moment, j’étais assis dans mon coin, quand mon Gillou est arrivé et m’a fait un bisou comme lui seul a le droit de m’en faire. Mon deuxième papa, pris par l’émotion autant que par ses grammes, est venu me proclamer :
« PRENDS DU GÂTEAU, MON TOUT NOIR ! »
Les quelques grammes que beaucoup retiennent… Moi non. À ce moment-là, son hug — comme tout ce que cet homme a fait pour moi — m’a aidé et m’a fait du bien. Voilà ce que je retiens.
Un peu moins de dark dans ma tête, en ce jour heureux. J’ai pris plaisir à être avec mes amis, et je les ai tous vus défiler cette nuit-là.
J’ai sombré vers 4h du matin, en prenant soin de mettre deux couches de vêtements. Au réveil, Mylène dormait effectivement à côté de moi, pas de signe de Chikito, mais la scène la plus drôle de ma vie : de l’autre côté de Mylène, la mariée couchée à moitié dans la tente, à moitié dehors, en mode étoile de mer…
Mythique. Le fou rire, accompagné de l’enjambée des corps au petit matin.
J’ai plaisir à être « en bas » (dans le Sud, cher Chikito), parce qu’au-delà des gens que je considère comme mes amis, il y a aussi ce ciel de fou au petit matin.
Vénus me faisait de l’œil, juste avant que le lever du soleil ne l’éclipse, et que j’entende la voix de crécelle de Chikito crier au pot de chambre…
Sur la terrasse juste au-dessus, il y avait nos amis BAT et DEUS posés, en train de boire le café. Quand deux personnes se reprochent mutuellement des choses inutiles depuis des temps immémoriaux, et que le jour d’un mariage tu les retrouves à la même table au petit matin, tu te dis que c’est frais autant que risqué.
J’ai laissé Chikito triper en gambadant entre les tentes avec son pot de chambre, pour rejoindre les deux seules personnes avec qui je n’avais pas réellement pris le temps de discuter la veille. Quitte à risquer une discussion franche et sérieuse entre trois bonhommes avant même la première clope.
Voilà ce qui a commencé à me mettre du baume au cœur. Et je profite de ces mots pour dire à Chikito :
Au-delà de la mort de Céline, voilà comment je me rappelle qu’il y a cinq ans tu t’es marié.
Cinq ans qu’a eu lieu cette nuit-là, mon retour après des temps sombres.
Et qu’a commencé cette période de ma vie que j’ai baptisée : la marche aux étoiles.