Sous-articles
- Inconnu Chapitre 1 La Croisée Des Orbites
- Inconnu Chapitre 2 Naturellement Solaire
- Inconnu Chapitre 3 Les 1000 visages Inconnu
- Inconnu Chapitre 4 L Ombre Inconnu
- Desertigo
Si mes souvenirs sont bons, c’est arrivé le lundi 17 juin 2013.
J’allais rejoindre Do à son taff pour ma pause de midi. Je me souviens être sorti du centre commercial et qu’en plus de la chaleur du début d’été, je sentais quelque chose qui était loin de m’être inconnu au sens propre du terme.
Une sensation apaisante, prenante, comme seul le personnage de l’inconnu M’en avait fait connaître au pays de mes rêves, il y avait déjà bien longtemps.
En m’approchant, j’ai vu au loin, de dos, une cliente en train de parler avec Do. Je me souviens avoir dit bonjour en arrivant et avoir entendu sa voix.
À cet instant, j’ai oublié ma marche aux étoiles, j’ai oublié que j’avais chaud, que j’avais faim. J’étais sous le choc d’avoir reconnu ce timbre de voix si particulier, que j’avais l’impression de connaître depuis toujours, et qui m’a instantanément réchauffé le cœur alors qu’en réalité c’était la première fois que je l’entendais.
J’ai tourné la tête pour mieux la regarder et j’ai vu cette mèche qui tombait bas sur son visage comme pour cacher son regard, la moitié de la tête rasée et l’autre avec la chevelure au carré.
Je l’ai dévisagée, incapable de dire un mot, et instinctivement mes yeux se sont posés sur ses poignets. J’ai vu cette main qui m’avait agrippé lors de mon premier rêve pour m’entraîner au-delà de la foule.
Je l’ai reconnue malgré le côté bariolé de ses poignets fins qui arboraient de multiples bracelets de pierre. Je crois qu’à ce moment précis, seul moi en avais autant à 100 km à la ronde.
J’étais ému, je n’ai pas su quoi dire alors je n’ai rien dit du tout.
Je me suis banalement mêlé à la discussion qui s’est très vite abrégée. La demoiselle ne semblait pas à l’aise et j’avoue que perso, j’étais incapable de la regarder dans les yeux, tellement je bloquais sur ses breloques.
Au bout d’un moment, Hyde est arrivé et lui aussi s’est mêlé à la discussion. Lui aussi a remarqué le nombre de bracelets aux poignets et n’a pas hésité, contrairement à moi, à faire le curieux en demandant si elle les portait par croyance ou comme simples bijoux.
La demoiselle a esquissé une moue de déception et, sans répondre, s’est levée et est simplement partie en nous souhaitant une bonne journée.
À son départ, Do a demandé ce qui venait de se passer. Je lui ai simplement répondu : « Je te présente l’incarnation de la femme de mes rêves. 12 ans que je rêve d’elle, 12 ans qu’elle définit à elle seule ma libido et je n’aurais jamais cru qu’elle soit une personne à part entière, contrairement à Chiki issu du même rêve mais depuis longtemps incarné. »
Hyde était surpris de ma réaction, pris entre l’engouement et l’incompréhension, sans parler du fait que la seule phrase construite avec un véritable sens qui sortait de ma bouche était :
« Je ne l’avais pas vu venir celle-là. »
Le lendemain midi, rebelote. À peine sorti du centre commercial, j’ai senti qu’elle était au rendez-vous. Et pas manqué.
Je l’ai saluée, dit bonjour à Do et j’ai posé direct sur la table tous mes petits cailloux personnels pour voir si ça allait rompre la glace.
Je me souviens qu’elle m’a souri et m’a confié que la veille, elle avait cru que, comme la majorité des autres personnes, je me moquais d’elle. Hyde est arrivé et s’est mêlé à la conversation qui fut épique d’un bout à l’autre, comme si on se connaissait depuis toujours.
Elle s’est officiellement présentée pour devenir celle que je finirais par appeler affectueusement Gla.
Nos discussions ne faisaient qu’étayer mes doutes. Il n’aura fallu que 3 jours avant notre premier tête-à-tête.
21 juin 2013... La fête de la musique, le solstice d’été. À la fin de la journée, j’ai rejoint Gla en attendant que Do et Hyde finissent leur service respectif, ce qui nous laissait 4 h pour faire connaissance.
On s’est posés au bord de l’eau, au milieu du centre commercial où on bossait, et on a refait le monde. Ce n’était que la première d’innombrables discussions, mais elle marquait le ton puisqu’il était question de ciel, d’étoiles, d’empathie et de destinée.
Je me souviens ne pas m’être démonté et avoir expliqué que, depuis mes 15 ans, à tous les moments clefs de ma vie, je rêvais d’une femme mince, aux yeux et cheveux clairs, avec une mèche plus longue que le reste, et qui m’accompagnait dans chacun de mes choix de vie. Jusqu’à maintenant, je pensais qu’elle n’était que le fruit de mon imagination.
Je me souviens que Gla m’a regardé avec un grand sourire et m’a demandé pourquoi je parlais de ce personnage au passé, si elle était morte au gré d’un de mes rêves. Je me souviens l’avoir regardée et, gêné, avoir répondu que non, qu’elle me semblait plus réelle et vivante que jamais. Ce qui l’a fait encore plus sourire.
On a fini par se poser en terrasse à une pizzeria, toujours en refaisant le monde. Je me souviens de ce moment où, le regard plein de questions, elle m’a demandé pourquoi mes yeux étaient aussi fuyants.
Je lui ai répondu que le regard était le reflet de l’âme et qu’au vu du nombre de choses qui m’étaient arrivées et du nombre de fois où mon regard avait été bafoué, ça n’avait rien de personnel mais que c’était juste dans mon caractère autant que justifié.
Ne me sentant pas à mon aise avec ce couplet, elle n’a pas insisté.
On a fini par se poser chez moi, en attendant nos deux comparses de la fête de la musique, et on s’est fait notre propre fête en s’initiant mutuellement à nos goûts musicaux respectifs.
J’ai découvert ce soir-là “Nero – God is an Astronaut”, parmi tant d’autres, et je l’ai initiée à Keny Arkana qu’elle a immédiatement aimée alors que ses goûts musicaux frôlaient le métal et le vieux rock.
Hyde nous a rejoints chez moi et, en rentrant, il a de suite repéré notre boîte à pizza criblée du titre de nos chansons préférées. Je me souviens que sa première réaction fut de me demander où était Gla et que, quand je lui ai répondu « dans ma chambre », il m’a fait répéter deux fois avant de me répondre laconiquement :
« Tu es rapide dis-moi. »
Non, Gla avait fini dans ma chambre pour, je la cite, « prier ».
Quand elle est ressortie, elle avait un petit livre à la main et semblait métamorphosée alors qu’elle portait exactement la même tenue. Quand je lui ai demandé ce qu’elle venait de faire, je me souviens qu’elle est partie dans une tirade sur le pouvoir des prières et sur le fait qu’une prière est plus efficace qu’une formule magique.
Je me souviens m’être tourné vers Hyde pour voir sa réaction et l’avoir vu buguer sur notre amie. Instinctivement, je me souviens avoir demandé en quoi consistait sa prière. Je me souviens de sa réponse : « Compte le nombre de chiens en route ce soir et tu auras ta réponse... »
Il nous aura fallu nous battre à trois reprises pour avoir la paix ce soir-là et je n’ai plus aucun doute sur l’utilité des prières depuis ce jour-là.
Certains les utilisent pour communiquer avec leur présumé créateur, d’autres comme de simples exercices pour se mettre en valeur.
Hyde, plus cartésien que moi, n’en revenait pas. Même Do, que nous avons rejoint plus tard, a remarqué que Gla avait fait quelque chose. Elle m’a demandé si elle s’était maquillée. J’ai répondu non, elle a squatté ma chambre et est ressortie comme ça. Elle n’a fait que prier.
En dehors de cette anecdote, nous avons passé une soirée magnifique et avant même minuit, je lui avais proposé de dormir chez moi, en tout bien tout honneur, pour qu’on puisse profiter de la soirée. Chose qu’elle a immédiatement acceptée.
Je lui ai laissé mon lit, ai pris le clic-clac et me suis effondré comme une merde. Au petit matin, quand elle s’est réveillée, j’ai vu que sa prière ne faisait plus effet. J’ai trouvé qu’elle ressemblait à une petite fille sage, ce qui a eu pour effet de me faire mourir de rire.
La journée de travail fut longue et pénible. À 19 h, je me souviens que Gla est rentrée dans mon magasin déterminée, alors que j’étais en clientèle. Elle s’est mise entre moi et ma cliente, s’est excusée avant de me tendre la joue et de me dire de lui faire un mimi.
Je crois ne m’être jamais senti aussi mal de toute ma carrière jusqu’alors, mais je me suis exécuté, ce qui a eu pour effet de faire beaucoup rire la cliente, habituée à un certain flegme de ma part.
À 20 h, Gla et moi nous sommes rejoints pour aller manger un bout. On a remarqué l’un comme l’autre qu’on bouffait encore de la merde, ce à quoi Gla m’a répondu que oui et qu’il fallait, en plus de manger un repas équilibré, dormir.
Je lui ai dit que je ne voulais pas la kidnapper mais que si elle voulait rester encore un soir, ça ne me dérangeait pas, bien au contraire.
Elle m’a répondu que non, que ça faisait beaucoup de choses en très peu de temps depuis notre rencontre, soit 4 jours, que ce n’était aucunement gênant et toujours intéressant de voir la vie faire son truc, mais que là il fallait dormir et qu’on savait aussi bien l’un que l’autre qu’on ne dormirait pas si elle restait.
En partant, je lui ai demandé une dernière fois si vraiment elle était sûre de ne pas vouloir rester, ce à quoi elle a répondu :
« Non, et c’est bien pour ça que je le fais. »
Le soir même, j’ai pris le temps de parler à Chiki, lui qui était aussi dans ce fameux rêve alors que je ne le connaissais pas encore, et qui est à mes côtés quasiment depuis.
Je lui ai dit que j’avais la certitude, contre toute attente, d’avoir trouvé l’inconnue. Je me souviens de sa réponse laconique :
« Tu l’as baisée ? »
Comme déjà dit, je ne pense pas avec ma bite et ce type de réaction m’agace. Mais ce soir-là, couplée au message de Do et Hyde me posant la même question, j’ai douté du fait de savoir si j’aurais dû essayer, et me suis endormi sur cette réflexion et un mignon message de Gla pour me dire de bien dormir.